Togo 27 Avril 1960 : La Femme Togolaise engagée dans la quête de l’Ablodé


Quand on parle de l’accession du Togo à la souveraineté internationale et de hommes qui ont versé leur sang pour la cause, il y a des noms qui viennent très facilement sur le bout de lèvres. Le constat est beaucoup tendent à négliger le rôle que les femmes togolaises ont joué dans cette âpre lutte. Et pourtant, il y a eu de vaillantes femmes d’Ablodé qui se sont fait remarquées à travers leur lutte surtout dans le dernier corps à corps décisif qui précédait la saisissante victoire du 27 avril 1958.

Les historiens sont unanimes à dire aujourd’hui que la guerre libératrice du Togo pour s’affranchir du joug colonial aura été très largement la guerre des togolaises. En effet, avec la naissance des partis politiques à compter de 1946 les femmes togolaises, notamment les revendeuses de Lomé vont livrer au monde un extraordinaire exemple de patriotisme. Bien que cela ait été interdit, les femmes pour distribuer des tracts de leur parti, les cachaient dans leur pagne ou encore dans leur chargement de produits de vente. Elles vont apparaître comme un véritable pivot du combat ; les incontournables animatrices et pourvoyeuses de fonds des partis et de la vie politique du pays. L’historien écrivain Togolais Godwin Tété Adjalogo voyait à travers la participation des femmes à la lutte pour l’indépendance du Togo constitue un phénomène sociologique curieux, digne d’une attention particulière, dans son ouvrage Histoire du TOGO : La Palpitante quête de l’Ablodé (1940-1960).

De ces femmes, on peut citer l’exemple de Bayi Lucia Kada épouse Gadégbékou (dite Bayi Ablodé) qui était la principale animatrice et entonnait des chants révolutionnaires. Dans « Histoire du Togo : le régime de l’assassinat de Sylvanus Olympio » de Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo, on peut noter d’autres noms à l’instar de Acolatsè Guedeagbor, Adanboounou Confort Ernestine, Agbinssi, Attiogbé Afafa, Boeder Anna, broohm Koekpor, Hounkpati Kayi Lucia alias Bayi Ablodé et Trénou Marguerite. Une autre dame et non des moindres qui se fait toujours remarquer dans la lutte, est Haden Dopé Pétronilia (née Dapé) alias Atakpamétô qui répond toujours aux manifestations de l’Union des Forces de Changement (UFC) malgré son âge avancé (91 ans). Selon des témoignages, elle aura entamé la lutte dans les années 1940. Ces femmes, dès 1940 ont pris une part très active dans la création du Comité de l’Unité Togolaise et le combat pour l’Ablodé ! Leurs cotisations servaient les dirigeants politiques à payer leurs voyages et leurs séjours en Europe et aux Etats Unis comme pétitionnaires pour la cause de l’indépendance. Elles ont par leur intelligence créée des slogans et les chants qui évoquaient les stratégies et les objectifs pour l’indépendance.

Les braves grand-mères, n’avaient pas attendu 1946 pour s’attaquer à la citadelle impérialo-colonialiste française. La révolte des 24 et 25 janvier 1933 à Lomé fut essentiellement menée par des femmes. Elles se sont révoltées contre l’administration coloniale française, parce qu’elles avaient compris assez tôt que la grande crise économique qui avait démarré aux Etats Unis en 1929 avait touché tous les pays y compris les colonies. Le Gouverneur français du nom de DE GUISE cru bon de résoudre les problèmes financiers du territoire en créant de nouveaux impôts et en augmentant le taux de ceux existants, parmi lesquels les taxes que les vendeuses devaient payer. Sous l’instigation du Mouvement DUWAWU (ensemble du peuple), les femmes se soulevèrent et cela donna lieu à une tuerie camouflée de la part de l’Administration coloniale qui fit venir les tirailleurs. On dénombrait 20 morts parmi les populations civiles.

Au temps du Père de l’Indépendance, il avait accordé une importance particulière aux femmes avec son soutien à ces femmes pour former L’union des femmes du Togo (UFEMTO). C’est au sein de cette Organisation qu’on retrouvera les vaillantes combattantes d’Ablode qui ont joué un rôle déterminant dans le dernier corps à corps décisif qui précédèrent la saisissante victoire du 27 avril 1958. Sylvanus Olympio avait un projet pour la femme togolaise, l’histoire en est témoin. Bien qu’il ait été un précurseur authentique du féminisme, il n’a pas eu le temps matériel nécessaire de mettre en route son chantier pour la femme togolaise. Seulement, après son assassinat, son assassin n’a pas hésité d’assujettir les quelques femmes lettrées ou intellectuelles, de les mettre au service du parti unique. Et comme une ruée vers l’or, les femmes se sont impliquées dans les groupes d’animation et la femme était réduite à chanter et à danser.

S’il faut remonter le cours de l’histoire et se focaliser ne serait-ce que sur l’envoi des pétitionnaires à la tribune des Nations Unies, la part de lutte des femmes dans la lutte est non-négligeable, même si elle a été d’un caractère financier. Sur ce plan, les femmes détaillantes, semi grossistes et grossistes ont pesé de tout leur poids dans la balance. Le climat d’émulation qui présidait à toutes leurs activités à l’intérieur des partis a favorisé la rentrée des fonds à tel point que certains hommes ne reconnaissent aux femmes que le rôle de soutien financier dans la lutte pour l’indépendance. Le plus gros effort financier, les historiens conviennent à le dire, a été fait par les femmes. On citera parmi tant d’exemples qu’il est arrivé une fois que les cotisations statutaires régulières ne suffisant pas, les femmes ont été obligées de faire une cotisation spéciale pour permettre à Mr Sylvanus OLYMPIO de payer 5 050 992 francs CFA en 2 jours. C’était le montant d’une amende due à l’administration coloniale pour « non déclaration d’avoir à l’étranger » en Gold Coast, l’actuel Ghana.

L’historien Godwin Tété précisera que l’action soutenue, courageuse et réellement désintéressée des femmes a été le gage du succès des partis nationalistes. « Leur détermination et leur fidélité ont été inébranlables : bastonnades, morts, répudiations par leur époux qui, appartenant à la fonction publique craignaient d’éventuelles représailles ; rien ne les fit fléchir jusqu’à la victoire de 1958. »


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