Affaire de coup d’Etat / Les avocats de Kpatcha ont échappé à un montage grotesque du pouvoir / Le Bâtonnier Aquereburu et le représentant du HCDH utilisés dans cette intrigue


Kpatcha Gnassingbé

Député Kpatcha Gnassingbé

La semaine dernière, le site du gouvernement « republicoftogo.com » a publié un article dans lequel il a chargé les avocats Zeus Ajavon et Djovi Gally. Pour concocter cette intrigue, l’auteur de l’article a eu recours à deux personnalités bien ancrées dans le domaine des droits de l’homme au Togo. Il s’agit du Bâtonnier Me Alexis Aquereburu et du représentant au Togo du Haut commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, M. Musa Gassama. L’objectif était de désavouer les avocats dont la détermination gêne. Un complot qu’ils ont su déjouer et qui montre que l’arbitraire tient toujours sa place dans notre pays.

Le montage des autorités togolaises

«  Le récent communiqué du gouvernement du Togo sur l’affaire Kpatcha démontre à l’évidence que depuis plusieurs semaines deux avocats auto-désignés battaient la campagne pour un client qui ne les avait pas choisis. Dans toute procédure judiciaire, tout justiciable est libre de se faire assister par un avocat mais un avocat, en revanche, ne s’auto-désigne pas. La procédure pénale – et plus précisément la procédure criminelle suivie contre Kpatcha Gnassingbé et plusieurs autres – ne fait pas exception », lit-on sur le site. Selon l’article, à six reprises, Kpatcha Gnassingbé a déclaré qu’il n’a pas constitué d’avocat ou qu’il n’entend pas en constituer.

« L’attitude équivoque des deux avocats qui affirment être désignés alors qu’ils ne le sont pas et sont démentis aussitôt par leur prétendu client, a alerté l’Ordre des Avocats, très vigilant sur les questions de démarchage. Tout racolage de clientèle est en effet interdit par la profession. L’Ordre a obtenu du Juge d’instruction une autorisation de communiquer et est allé par l’entremise de son bâtonnier avec ce Juge et le Procureur de la République voir Kpatcha Gnassingbé : la réponse de ce dernier fut «  je ne les ai pas constitués », poursuit l’article. Il est également rapporté qu’« une énième fois, devant le harcèlement des deux (02) Avocats, le Juge d’instruction, le représentant résidant du HCDH Monsieur GASSAMA, le Secrétaire de l’Ordre et le Procureur Général se sont présentés le jeudi 15 octobre 2009 pour voir Monsieur Kpatcha Gnassingbé avec les deux (02) Avocats afin de fixer l’opinion : mais les Avocats qui avaient exigé comme préalable des permis de communiquer, les ont obtenus, puis ont refusé d’aller voir leur prétendu client ». De conclure : «  L’assistance par un avocat est un droit souverain que Kpatcha Gnassingbe peut exercer quand il le souhaite. Elle n’est pas un jouet à la disposition d’avocats autodésignés qui confondent les prétoires avec les tréteaux des réunions politiques ».

Des allégations réfutées par les deux avocats. « Tout ce qui est raconté sur le site du gouvernement est faux. Il s’agit d’un mensonge grossier », nous a confié l’un des avocats de Kpatcha Gnassingbé.

De nos investigations, il ressort que c’était un plan bien ficelé par le sommet de l’Etat qui avait pourtant promis assurer un jugement équitable aux inculpés dans cette affaire de « tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat ».

Comment les choses se sont passées ?

Selon les informations en notre possession, lorsque le nouveau juge d’instruction a été nommé, les avocats sont allés le voir. Ceux-ci lui auraient dit qu’il ne pouvait plus voir leur client sans eux. Conformément aux prescriptions légales, les avocats ont demandé d’aller voir Kpatcha en compagnie du juge d’instruction pour que tout se déroule normalement.

Un rendez-vous fut pris le lundi 12 octobre dernier à 9 heures. Les avocats l’auraient joint pour lui annoncer qu’ils étaient en train d’arriver. Il aurait fait savoir qu’il n’était pas au bureau qu’il les rappellerait après. A 10h30, Mes Zeus Ajavon et Djovi Gally étaient devant son bureau avant de l’appeler de nouveau. Le juge d’instruction aurait décroché et dit qu’il les joindrait plus tard. Il a donné l’impression qu’il était quelque part et qu’il ne pouvait pas parler.

Des indiscrétions, il ressort que tous ceux qui sont concernés par le dossier auraient participé à une réunion ce jour-là à la Présidence. Au menu des discussions, l’affaire Kpatcha Gnassingbé. Vers 15 heures, les avocats seront informés par une tierce personne que le Juge d’instruction les conduira incessamment chez Kpatcha. Ensuite, ce fut le tour du Bâtonnier de leur annoncer la même nouvelle. Une curieuse démarche.

Mais c’était un complot : il a été demandé de tout mettre en œuvre pour que les avocats aillent voir Kpatcha et que ce dernier leur dise qu’il n’a pas besoin d’avocat ; ceci devant des témoins que sont le représentant du HDCH et le Bâtonnier qui doit, en principe, défendre ses confrères. C’étaient deux scénarios bien ficelés pour ridiculiser les avocats.

D’abord, on les emmène chez Kpatcha qui les reçoit et on met la pression sur lui pour qu’il dise qu’il n’a pas besoin des deux avocats. Le deuxième scénario, c’est qu’on fait attendre les avocats et on envoie leur dire que Kpatcha n’a pas besoin d’eux.

Etant au fait de ces machinations, Mes Ajavon et Gally ont refusé d’aller à l’Agence nationale des renseignements (ANR). Après, les avocats sont allés demander auprès du Juge d’instruction un permis de communiquer et lui ont dit qu’il leur revenait de décider du jour et de l’heure qui leur conviennent. Alors, un permis de communiquer leur a été délivré.

Les deux avocats ont ajouté que le député de la Kozah désire rencontrer son frère jumeau, son épouse ainsi que Faure. Le Juge d’instruction a promis d’organiser les choses afin que Toyi puisse aller voir son frère et de rappeler les avocats. Ce qu’il a fait en nous annonçant que Toyi allait voir son frère vendredi 16 octobre à 14h et qu’à 15h, ce serait le tour des avocats. Ceux-ci ont demandé au Juge d’instruction s’il pouvait se rendre à l’ANR avec eux. Il aurait répondu par la négative arguant qu’il était occupé.

Comme convenu, à 15h, les avocats étaient à l’ANR. Quand ils sont arrivés, il leur a été dit de patienter car Kpatcha était avec son frère. A 15h30, le Juge d’instruction est venu et leur a aussi dit d’attendre. Ayant été reçus dehors sous les manguiers, les avocats ont estimé que 45 minutes d’attente étaient suffisantes et sont repartis.

Lundi 19 octobre, Mes Ajavon et Gally sont retournés voir le Juge d’instruction à qui ils ont réitéré qu’ils voulaient voir Kpatcha. Il faut rappeler qu’entre-temps, la femme du député, munie de permis de communiquer, s’est présentée à l’ANR mais n’a pas pu voir son époux. Les deux avocats auraient dit au Juge qu’ils iraient à l’ANR à 16h et d’en informer le commandant. Quand ils y sont allés, un sergent-chef leur a dit qu’il ne pouvait pas voir leur client car les deux responsables étaient absents.

Le lendemain, les avocats sont repartis voir le Juge d’instruction pour lui dire qu’ils voudraient aller à l’ANR dans l’après-midi. Il lui a été demandé de prendre des dispositions de les appeler. Mais jusqu’à ce jour, il ne l’a pas fait.

Ces faits présentés appellent deux observations. Le Juge d’instruction qui est un juriste et conseiller à la Cour d’Appel, ne peut pas délivrer un permis de communiquer à Mes Zeus Ajavon et Djovi Gally s’il ne les a pas reconnus comme avocats de Kpatcha Gnassingbé. En le faisant, il s’est conformé aux prescriptions légales.

La deuxième observation, les officiers de l’ANR chargés de l’affaire agissent comme des officiers de police judiciaire. Et à ce titre, ils sont, quel que soit leur grade, sous les ordres du Juge d’instruction. Autrement dit, lorsque le Juge d’instruction délivre le permis de communiquer, les officiers ne peuvent pas refuser de les exécuter.

De tout ce qui précède, on peut dire que le Togo n’est pas encore sorti de l’arbitraire. Le non respect des lois reste la chose la mieux partagée. Aussi, cette « affaire de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat » est un dossier signalé, c’est-à-dire géré directement par les politiques.

Source : libertetg.com

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